À quoi ressemblera la filière équine européenne en 2040?

Dans une étude parue début octobre, le Réseau européen du cheval, assisté du cabinet 4Sing, se projette en 2040 et détaille différentes physionomies que pourrait prendre la filière équine d’ici là en Europe. Si personne ne peut raisonnablement prédire l’avenir, l’étude a le mérite d’inviter à la réflexion et explore quatre scenarii possibles.



Réseau à but non lucratif regroupant trente-quatre organisations représentatives de l’ensemble de la filière équine européenne, dont l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), l’European Horse Network (EHN), ou Réseau européen du cheval en bon français, a pour objectif de faire entendre sa voix à tous les niveaux. Il se veut aussi garant de son développement en Europe, et représente ses intérêts au niveau des institutions continentales. 

Afin d’anticiper les transformations futures et d’élaborer la meilleure stratégie en conséquence, l’EHN, assisté du cabinet 4Sing, a mené des enquêtes, ateliers et entretiens, recevant les réponses de quarante-cinq parties prenantes dans dix-neuf pays. Sur cette base, il a construit une projection de la filière, actuellement à la croisée de profondes mutations économiques, écologiques et sociétales. Doivent ainsi être pris en compte les effets sur les activités équestres du changement climatique, de la pression foncière grandissante, de l’instabilité géopolitique globale, du développement des technologies et de l’intelligence artificielle, de la montée des attentes sociales relatives au bien-être animal ou encore de la fragmentation sociale, parmi d’autres facteurs.



Durabilité des activités et acceptabilité sociale en première ligne

Afin d’établir divers scenarii, l’EHN a retenu deux axes principaux. D’une part, la durabilité des activités liées aux chevaux, sur le plan économique comme sur le plan environnemental. Ceci inclut des défis structurels tels que l’allongement de la durée de vie des chevaux et la gestion des animaux âgés, la consommation de viande chevaline, les changements des attentes en matière de loisirs ou l’inflation, et plus globalement, l’ensemble des problématiques liées au dérèglement climatique.  

D’autre part, l’acceptabilité sociale des activités équestres. Le bien-être animal est devenu une préoccupation sociétale centrale dans toute l’Europe, influençant les perceptions de toutes les activités liées aux animaux, y compris celles impliquant des chevaux. “Les attentes du public vont maintenant au-delà des normes techniques et soulèvent des questions éthiques plus larges sur la légitimité de l’utilisation des animaux pour le sport, les loisirs et le travail. Parallèlement, les mouvements animalistes organisés gagnent en influence (...), orientent le débat public et contribuent à faire évoluer le cadre règlementaire”, souligne ainsi le rapport. Et ceci a un impact certain sur les compétitions, le transport, les pratiques d’élevage, et plus globalement, l’utilisation générale des équidés par l’homme.



Quatre scenarii pour le futur

Sur la base de ces deux axes essentiels, l’étude met à jour quatre scenarii possibles. Dans le premier, le cheval est partout. Son intégration dans une agriculture durable et innovante est un succès, tout comme dans le tourisme durable, l’éducation, l’inclusion sociale, la santé et le sport. La filière dans son ensemble s’est adaptée en termes d’infrastructures et d’emploi, et elle maintient son acceptabilité sociale grâce à des standards élevés en matière de bien-être animal. 

Dans le deuxième, le cheval est oublié, la faute en revenant à une baisse de la viabilité de la filière, et à une moindre acceptation globale. Bouleversements géopolitiques et pouvoir d’achat amoindri plombent la pratique régulière de l’équitation. Ils invitent à concentrer l’utilisation des terres au bénéfice de l’agriculture, l’industrie et l’énergie, au détriment des chevaux. Par ailleurs, le bien-être animal est scruté de près par le grand public, renforçant les contraintes pesant sur les professionnels. Enfin, les échanges commerciaux diminuent drastiquement, d’autant que, dans un contexte protectionniste, l’exportation d’animaux est interdite en dehors des frontières européennes. 

La troisième configuration envisage le cheval en danger. Avec le développement de nouveaux loisirs de plein air, la viabilité de la filière équine est gravement compromise. Les segments traditionnels de la filière, courses, élevage et production de viande chevaline en première ligne, s’effondrent. Pour pallier les risques sanitaires liés au changement climatique, aucun cheval ne peut plus être transporté au-delà d’un rayon de cent kilomètres sur l’ensemble de sa vie. Et seules des formes d’interaction très limitées et contrôlées entre humains et chevaux sont tolérées, de nombreux équidés étant même relâchés dans la nature avec le soutien de l’opinion publique.

Enfin, le quatrième et dernier scénario fait l’hypothèse que le cheval est devenu un luxe réservé à quelques privilégiés fortunés, et qu’en posséder un équivaut au fait d’être propriétaire d’un yacht aujourd’hui. Associés à la richesse, les chevaux bénéficient d’un élevage d’excellence, d’infrastructures de luxe et de soins de pointe. Ayant quitté la vie rurale quotidienne, et voyant leur lien avec la majorité de la population se déliter, ils s’éloignent de l’espace public. Ceci dégrade la légitimité sociale du secteur, qui s’attire les critiques mêlant préoccupations quant aux droits des animaux et frustrations sociales.



L’intelligence artificielle et les technologies comme point commun

Si ces quatre scenarii se distinguent sensiblement les uns des autres, sans réelle surprise, un point commun émerge entre eux: la place des technologies et de l’intelligence artificielle, avec un rôle de plus en plus important. Ainsi seront-elles utilisées pour surveiller et soutenir le bien-être animal, mais aussi la traçabilité des animaux, l’optimisation de leur entraînement, leur suivi sanitaire, la gestion intelligente des pâtures, etc. Et s’il est difficile de savoir à l’avance quelle direction va bel et bien prendre la filière, douter de ce fait s’avère plus compliqué. “Cela soulève toutefois des enjeux liés à l’accès aux technologies, à la propriété des données et aux compétences numériques nécessaires pour les professionnels”, souligne l’étude.

Cet élément se veut quoi qu’il en soit un point important dans l’invitation faite aux acteurs de la filière de réfléchir à son avenir. Et dans la mise en œuvre par l’EHN d’actions visant à assurer la viabilité de la filière équine européenne à long terme.