“Il y a une demande de compréhension du cheval de la part des personnes qui poussent la porte des clubs”, Laurent Peyron
Le parcours de Laurent Peyron, dirigeant du centre équestre L’École des écuyers, situé à Chamaret, dans la Drôme, est riche et varié. Cette année, il a intégré le programme Dirigeants de demain du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Entretien avec un passionné de formation et de pédagogie, touche-à-tout, nouveau membre du Comité fédéral, référent pour la commission culture et patrimoine de la Fédération française d’équitation.
Comment avez-vous débuté l’équitation et quel a été votre parcours?
Un peu comme Obélix, je suis tombé dans la marmite quand j’étais petit! Historiquement, il y a toujours eu des chevaux dans ma famille. Ensuite, mes parents ont créé un petit élevage de poneys Camarguais, qui s’est transformé en poney-club et centre équestre. J’ai choisi de me professionnaliser, de passer mon monitorat, puis mon instructorat en 2019 à Saumur. Des partenariats se sont mis en place avec des établissements scolaires, des lycées privés agricoles et des Maisons familiales rurales (MFR), ce qui m’a permis de mettre un pied dans la formation professionnelle. Depuis que j’ai repris l’entreprise familiale avec mon épouse, nous avons développé un partenariat avec le centre de formation d’apprentis (CFA) du Comité régional d’équitation (CRE) Auvergne-Rhône-Alpes et nous sommes un centre de formation orienté AE, BP et Jeunes Chevaux. L’enseignement, c’est un peu naturel pour moi, un héritage familial. Partager, enseigner autour du cheval, c’est un trait de personnalité naturel.
Quelle vision de l’équitation défendez-vous?
Si on devait résumer, je dirais une équitation plus juste, plus éthique, en adéquation avec notre société actuelle, qui est en pleine évolution. Passionné par l’histoire de l’équitation, je suis convaincu qu’il ne faut pas s’enfermer dans le passé. L’histoire permet de mieux comprendre l’actualité et d’envisager l’avenir. Les gens qui poussent les portes des clubs n’ont plus les mêmes attentes qu’il y a vingt ou trente ans. Il y a une demande de compréhension du cheval. Les élèves sont en quête de sens et, face à ce questionnement, nous ne pouvons pas leur donner des vérités toutes faites sans les aider à réfléchir et à comprendre.
Justement, en tant qu’enseignant et formateur, dans quelle mesure est-ce un challenge de réussir à accompagner ces nouveaux publics-là et de répondre à leurs besoins?
Mon plus gros challenge concerne l’accompagnement des élèves face à leur tuteur et maître d’apprentissage. Aujourd’hui, il est très facile de former les élèves et de les accompagner parce qu’ils sont très ouverts et que nous bénéficions de nombreux outils. Cependant, quand ils sont en situation de travail, ils ont affaire à des tuteurs ou des enseignants qui sont d’une ancienne génération avec une certaine vision du cheval et du métier. C’est là que cela peut coincer. Chez nous, nous misons sur le côté humain, avec des petits groupes de jeunes en formation, afin de conserver une ambiance familiale. Dans l’idée, nous formons comme un pont et faisons de notre mieux pour relier tout cela.
Vous êtes l’un des nouveaux élus du Comité fédéral. Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous engager?
Depuis quelques années, je travaille avec le CFA du CRE à la mise en place des dossiers d’habilitation, et j’apprécie l’état d’esprit mutualiste qui règne actuellement au sein de notre CRE. Elisabeth Treilland (trésorière de la FFE et secrétaire générale du CRE d’Auvergne-Rhône-Alpes) a sondé mon intérêt à l’idée de compléter l’équipe de Frédéric Bouix (élu président de la FFE en décembre, ndlr). C’est ainsi que j’ai intégré le Comité fédéral, ce qui m’a permis de rencontrer tous les élus actuels et de nombreuses autres personnes, comme Pascal Marry (président de la commission Culture et patrimoine de la FFE, ndlr). Lors du congrès d’Avignon en début d’année, il m’a suggéré de m’impliquer dans la commission Culture et patrimoine, dont je suis désormais le référent au Comité fédéral.
“L’équitation a le don de rassembler un très large panel de gens”
Y a-t-il des sujets que vous souhaitez tout particulièrement porter en tant qu’élu?
D’une part, il y a tout ce qui est en lien avec la formation, parce que cela entre dans mon champ de compétences. D’autre part, il y a le tissu social: établir ce lien en étant au plus près des différents acteurs pour les sensibiliser et les motiver, mais aussi les écouter et faire remonter leurs constats et besoins. On a beau avoir les réseaux sociaux, on l’a vu pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19, à un moment donné, c’est l’humain qui revient au centre. L’équitation a le don de rassembler un très large panel de gens. Nous accueillons dans nos clubs des enfants de milieux très aisés mais aussi de milieux plus défavorisés, des personnes en situation de handicap, des jeunes comme de plus âgés, y compris des retraités. En fait, c’est vraiment un sport qui rassemble tout le monde notamment grâce à sa diversité de pratiques. Je peux le voir à l’échelle de notre structure, sur le plan social: il y a des personnes qui ont des ressources financières plus importantes que d’autres. Concernant notre situation géographique, en étant à trois heures de Genève, dans un endroit touristique, il y a énormément de résidents secondaires belges, suisses et allemands. Leur pouvoir d’achat étant différent de celui des locaux, nous adaptons nos produits en fonction de cette réalité à travers des stages organisés durant les vacances. Nous tâchons de faire en sorte que tout le monde y trouve son compte et du plaisir dans l’équitation.
En club, l’enfance ne constitue plus la clientèle majoritaire. Les publics adultes sont de plus en plus intéressés, alors à nous de les inciter à venir ou de faire revenir ceux qui ont stoppé leur pratique. En termes d’enseignement, ce public-là ne doit pas être abordé de la même que des groupes d’enfants de moins de huit ans. En termes de discipline, par exemple, l’équitation de travail a un intérêt pédagogique au niveau de la mise en selle de ces cavaliers-là, avec notamment l’emploi de selles creuses facilitant tout de suite l’aisance à cheval. Cela peut aussi faire une passerelle avec le tourisme équestre. Encore, si l’on parvient à influencer des parents ou de jeunes parents, ils vont forcément venir avec leurs tout-petits. Il y a plein de pistes pour toucher ce public, y compris le travail à pied...
Comment abordez-vous la problématique du bien-être du cheval?
Cette notion est très importante. Mon épouse étant diplômée universitaire en éthologie du cheval, nous intégrons énormément cette matière au programme de nos formations. Cela répond aux questions sociétales, c’est-à-dire au-delà du simple bien-être équin ou de la bientraitance animale. Mieux comprendre l’animal permet aussi de pour mieux se comprendre soi, en évitant l’anthropomorphisme, et de se situer par rapport à sa pratique. Observer et comprendre le cheval ne peut être que bénéfique. Il y a tant de choses à faire à ce sujet…
Vous faites partie de la promotion 2025-26 du programme Dirigeants de demain, créé par le Comité national olympique et sportif français et destiné aux bénévoles âgés de seize à trente-cinq ans. Quelles raisons vous ont-elles poussé à candidater?
L’idée est d’être accompagné dans notre démarche d’élu. Je suis le seul représentant du monde équestre – ce qui est intéressant – aux côtés de trente-six autres personnes issues de différentes fédérations sportives: alpinisme, escalade, escrime, etc. J’ai toujours envie d’apprendre. C’est un programme qui semble répondre à mes besoins actuels et qui permet de développer un réseau, de créer du lien, de savoir à qui s’adresser quand on a une question. Je souhaite utiliser cette formation pour renforcer mon impact en tant qu’élu fédéral, professionnaliser encore davantage mon approche du pilotage stratégique et contribuer activement à la modernisation et à l’attractivité du sport équestre. Ce programme me permettra également d’accompagner la structuration du secteur et de préparer la prochaine génération de dirigeants, à travers une vision d’avenir et d’innovation pour la FFE.
“Ce sont vraiment l’éducation et l’entraînement qui me passionnent”
Vous pratiquez, ou avez pratiqué, un assez large panel de disciplines, allant de l’attelage à l’équitation camarguaise en passant par le dressage, pour n’en citer que quelques-unes. Que vous apporte cette diversité et quel lien percevez-vous entre les unes et les autres?
Cela permet d’avoir une vision très large du cheval et de ne pas s’enfermer dans une spécificité. Parfois, quand on est hyper spécialisé, on peut avoir des biais d’interprétation. Cela reflète aussi un peu mes origines. Ma famille maternelle est d’origine haïtienne, culturellement ouverte sur la côte est des États-Unis et la Jamaïque, entre autres. J’ai grandi avec ce mélange culturel qui se reflète dans ma façon d’envisager l’équitation. Quand je vois des pratiquants en attelage, équitation de travail ou tourisme équestre, cela me parle et je peux comprendre assez facilement leurs problématiques et les enjeux. Cela ouvre aussi socialement à des échanges qui peuvent être très riches. Au centre, il y a toujours le cheval et son lien avec l’humain. Si l’on considère l’attelage, par exemple, il y a autant de pays que de pratiques, et pourtant, nous nous retrouvons tous en championnats à pratiquer en respectant le même règlement.
Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans la pratique équestre?
Aussi bien sur le plan humain qu’équin, ce sont vraiment l’éducation et l’entraînement qui me passionnent. C’est pourquoi nous accueillons une formation Jeunes Chevaux. C’est cette partie qui m’inspire: comprendre tout ce concerne l’éducation du cheval avant la partie entraînement sportif. Dans la formation des cavaliers, c’est le même principe. Je ne souhaite pas me consacrer à la formation d’enseignant parce que j’aime autant accompagner des jeunes pendant une initiation que des cavaliers de niveau intermédiaire ou des entraîneurs.
Tout au long de votre parcours, qui vous a inspiré?
De nombreuses personnes m’ont inspiré, à commencer par mon père, cavalier qui m’a énormément influencé dans ma pratique. Charles Marteau, entraîneur de concours complet aujourd’hui établi dans le Sud, a longtemps été une référence pour moi. Il m’a transmis énormément de rigueur et d’amour de la compétition. J’ai aussi pris des cours en Camargue chez Max Vendrell. Et puis, au gré des rencontres, je citerais Thierry Vanasser qui était à Tarascon, puis toutes les équipes du Cadre noir de Saumur, avec lesquelles je me suis très bien entendu. J’ai une pensée pour Marc-André Morin, écuyer parce qui a largement répondu à mes questionnements au niveau de la pédagogie. Sans oublier les autres élus de la fédération.

“J’aime autant accompagner des jeunes pendant une initiation que des cavaliers de niveau intermédiaire ou des entraîneurs”, dit cet enseignant profondément attaché à la notion de transmission.
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