“Je n’aurais pas pu espérer une meilleure entrée en matière au plus haut niveau”, Seamus Hughes Kennedy

Dans sa vingt-troisième année, Seamus Hughes Kennedy a signé une entrée fracassante dans la cour des grands. Sacré champion d’Europe Jeunes Cavaliers il y a deux ans avec un certain ESI Rocky, le discret irlandais connaît une saison 2025 absolument remarquable, dont les étapes saillantes ont été des premiers 5* auréolés de succès, des sélections parfaitement honorées, et surtout, une excellente cinquième place individuelle lors de ses premiers Européens Seniors. Quelques semaines avant son premier championnat Seniors, GRANDPRIX s’était entretenu avec le prodige de l’Île Verte, qui écrit le premier chapitre d’une épopée particulièrement prometteuse.



Les Européens Longines de La Corogne n’étant pas qualificatifs pour les Jeux olympiques, 2025 est une formidable opportunité pour les jeunes cavaliers de se faire une place dans les équipes Seniors. Aviez-vous cela à l’esprit en débutant la saison ? 

Je crois que j’ai toujours eu en tête d’essayer de participer aux championnats d’Europe Seniors après avoir remporté les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers, il y a deux ans. J’ai toujours eu pour objectif d’essayer de faire participer Rocky à cette échéance à l’âge de dix ans. L’Irlande est une équipe très forte, qui aura toujours une bonne chance d’obtenir une médaille. Essayer de faire partie de cette équipe a été notre objectif cette année, et j’espère que nous serons en mesure d’y parvenir (entretien réalisé peu avant que le couple n’obtienne sa sélection pour les Européens, ndlr).

Dès vos premières apparitions en CSIO 5* cette année, vous avez impressionné par vos résultats avec ESI Rocky. Comment vivez-vous cette période bénie ?
Je dois dire que c’est un peu difficile à croire. Vous savez, j’ai essayé d’atteindre ce niveau au cours des dernières années, et maintenant, nous sommes capables de signer un double sans-faute à Rome pour notre tout premier Grand Prix 5* et terminer pied du podium, ou encore de réussir un double sans-faute à La Baule pour notre première Coupe des nations 5*. Le reste de l’équipe y a aussi été en bonne forme et nous avons fini par gagner... Je n’aurais pas pu espérer une meilleure entrée en matière au plus haut niveau. J’espère ne pas avoir d’attentes irréalistes à la suite de tout cela. Jusqu’à présent, je vis des moments extraordinaires. 

Vu des tribunes, vous semblez imperméable à la pression. Est-ce vraiment le cas ?
Je ressens peut-être un peu de pression. Je sais que mon cheval a tout le talent nécessaire et je dois juste être capable de monter assez bien pour qu’il puisse exprimer son plein potentiel. J’ai l’impression d’avoir réussi à le faire à La Baule et Rome. Je l’ai un peu laissé tomber au premier tour, hier (le 20 juin, l’Irlandais et son bai ont bouclé la Ligue des nations de Rotterdam avec une seule faute en première manche, ndlr), avec une barre. C’était ma faute, mais il a brillamment sauté. De plus, il est revenu au deuxième tour et a sauté sans faute. J’étais très heureux de pouvoir montrer qu’il peut sauter sans faute n’importe où maintenant.

L’Irlandais compte déjà à son palmarès l’or individuel et par équipes décroché aux Européens Jeunes Cavaliers de Gorla Minore, déjà avec ESI Rocky, en 2023.

L’Irlandais compte déjà à son palmarès l’or individuel et par équipes décroché aux Européens Jeunes Cavaliers de Gorla Minore, déjà avec ESI Rocky, en 2023.

© Marta Fusetti/FEI



“J’espère que je ne vis que le début de mon histoire avec Rocky”

Comment s’est déroulée votre première visite au CSIO 5* de Rome ? 

Je pense que je m’en souviendrai longtemps. C’est une ville magnifique. J’ai toujours été passionné d’histoire à l’école, alors visiter cette ville était quelque chose. De plus, avoir l’opportunité de concourir sur la Piazza di Senna, dans une piste incroyable avec un public qui l’est tout autant, était quelque chose d’assez surréaliste. J’ai eu la chance d’y emmener deux autres chevaux, plus jeunes, qui ont beaucoup appris (MHS Cosmo et Dure de Semilly, ndlr). C’est l’un des meilleurs concours auxquels j’ai assisté dans ma vie. Je suis très reconnaissant d’avoir eu cette opportunité.

Pouvez-vous nous en dire plus sur ESI Rocky? 

Je le monte depuis qu’il a quatre ans et Shane Dalton m’a aidé à le former. Il l’a monté à l’âge de quatre et cinq ans. Je suis le seul à le monter depuis qu’il a six ans et ce fût une grande aventure avec lui jusqu’à aujourd’hui, six ans après nos débuts. J’espère que ce n’est que le début. Nous avons acheté Rocky en partie à l’âge de trois ans, puis l’autre moitié à six ans. C’est ma mère qui en est la propriétaire. Je lui suis très reconnaissant de m’avoir laissé le monter et de m’avoir fait confiance pour l’amener à ce niveau. Je ne la remercierai jamais assez pour cela. Rocky est un drôle de cheval, il adore les friandises et sa nourriture, et il aime se frotter aux gens, à tel point qu’il pourrait vous renverser. Il n’est pas vraiment conscient de sa taille et peut aussi être un peu paresseux, mais il adore aller au champ et profiter de l’herbe. Il est très agréable à vivre à la maison. C’est un gentil cheval.



“Pour les Européens Jeunes Cavaliers de 2023, nous étions de véritables outsiders”

Le jeune homme a mené Cuffesgrange Cavadora, une jument issue de l’un de ses anciens poneys du Grand Prix, au titre de championne du monde des chevaux de sept ans.

Le jeune homme a mené Cuffesgrange Cavadora, une jument issue de l’un de ses anciens poneys du Grand Prix, au titre de championne du monde des chevaux de sept ans.

© Nanna-Riikka Nieminen/FEI

En 2023, lorsqu’il vous a permis de devenir double champion d’Europe Jeunes Cavaliers, il n’était initialement que votre troisième option en vue de cette échéance, n’est-ce pas ?  

Oui, on peut le dire. Aux Européens, il y a deux ans, il n’avait que huit ans et manquait encore cruellement d’expérience. A l’époque, je comptais sur Cuffesgrange Cavadora, ma jument favorite, mais elle n’était pas assez en forme pour aller à Gorla Minore. J’avais un autre cheval, ESI Ali, qui avait aussi huit ans à l’époque, mais nous l’avons vendu un mois avant les Européens à Nayel Nassar, avec qui il évolue en Grands Prix 5*. Ensuite, j’avais donc ESI Rocky et je savais qu’il avait tout le talent nécessaire, mais je n’étais pas sûr de sa fiabilité compte-tenu de son inexpérience. Il n’avait que huit ans et n’avait sauté sa première épreuve comptant pour le classement mondial que trois ou quatre semaines avant les championnats d’Europe. Lors de l’échéance continentale, il a affronté ses premiers parcours à 1,50m. On peut dire que nous étions de véritables outsiders. Je savais qu’il pouvait le faire, mais je crois que les gens me trouvaient un peu fou de l’engager, pour être honnête.

À quoi ressemble votre système de travail ? 

Nous élevons beaucoup de chevaux et en achetons des jeunes de trois, quatre, cinq ans ou un peu plus vieux. Ma mère a un très bon œil pour jauger les chevaux et nous aide beaucoup ; mon cousin Hugh nous aide aussi avec les jeunes et pour tous les grands concours. Joe O’Neill m’aide également. Il a vu tous les types de chevaux au cours des dernières années, et il a un grand niveau de professionnalisme, ce dont nous avons besoin, en tant qu’écurie familiale. Parfois, nous pouvons devenir un peu négligents sur les détails, mais il est excellent pour nous remettre dans le droit chemin. Nous essayons de faire progresser les chevaux, de ne pas trop les presser lorsqu’ils sont jeunes. Cela a fonctionné quelques fois pour nous.

Quelle est l’histoire de Cuffesgrange Cavadora ? 

Nos voisins ont élevé Cavadora à partir de la ponette que je montais, Cuffesgrange Cavalidam (septième des Européens en 2017, avant d’avoir été vendu à la famille Wachman, devenant double champion d’Europe en 2019 et vice-championne individuelle l’année précédente, le tout avec Max, ndlr). Nous avions acheté cette ponette à notre voisin, Eamon Sheehan. Elle était alors une poulinière de neuf ou dix ans, qui avait juste été débourrée. Elle a été géniale, m’a fait débuter à poney et aimer le saut d’obstacles. Lorsqu’elle a rejoint Coolmore, elle a fini par remporter de nombreuses médailles d’or avec la famille Wachman. Elle a été d’une aide précieuse pour nous et pour eux. Lorsque nous avons réalisé qu’elle était bonne, nous avons demandé à son éleveur s’il avait des poulains et si nous pouvions jeter un coup d’œil à sa production. C’est alors que nous avons vu Cavadora à l’âge de trois ans, dans le champ. Elle était assez petite à l’époque où nous l’avons achetée, puis elle a grandi un peu, mais a toujours été une petite jument un peu rustique. Elle nous a donc beaucoup appris sur les chevaux. J’ai eu la chance de pouvoir l’emmener aux championnats du monde des Jeunes Chevaux à Lanaken, où elle a gagné la finale des chevaux de sept ans. Je n’avais que dix-sept ans et étais un peu naïf par rapport à Lanaken et à l’ampleur de la compétition. Je ne m’en suis pas rendu compte à l’époque. Je pense que cela m’a aidé parce que je n’étais pas nerveux, d’une certaine manière.



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