“Pendant ces championnat d’Europe, nous avons assisté à un véritable renouveau”, Grégory Wathelet
S’il n’était pas engagé aux championnats d’Europe Longines de La Corogne, le numéro trente-sept mondial Grégory Wathelet a bien sûr suivi avec attention ce qu’il s’est déroulé en Galice. Lui-même couvert d’or par équipes en 2019 et de bronze individuel en 2015, le Belge nous a offert son éclairage sur chaque étape de l’échéance continentale. Dans cette dernière analyse, il revient sur l’acte quatre, la finale individuelle, selon lui “trop facile”, qui a couronné l’Allemand Richard Vogel avec l’extraterrestre United Touch S, suivi de l’Écossais Scott Brash sur Hello Folie de Nantuel, ainsi que Gilles Thomas avec Ermitage Kalone.
“J’ai trouvé cette finale trop facile, comme en atteste le nombre trop important de double sans-fautes, qui est de neuf. Il serait intéressant d’analyser pourquoi, mais quoi qu’il en soit, la finale a tout de même donné lieu à du beau sport. Je préfère toujours quand les chevaux sautent bien que lorsqu’ils sont piégés. Cela étant, je trouve dommage que certains couples qui n’ont laissé aucune barre à terre de tout le championnat repartent sans médaille. Je ne sais pas si cela est déjà arrivé dans l’histoire de cette échéance.
En regardant de plus près les lignes proposées, certaines semblaient compliquées, mais nous avons eu l’impression que tout le monde les franchissait facilement. Je trouve un peu dommage que le championnat se soit joué avec trop de sans-faute, ce qui signifie que la hiérarchie s’est dessinée lors de la Chasse. Nous dirigeons-nous vers des championnats qui se jouent uniquement sur des détails le premier jour ? La question mérite d’être posée. En tout cas, les chevaux sautaient bien. Que faire de plus ? Il serait intéressant d’en débattre, notamment avec les cavaliers qui ont pris part au championnat. J’ai échangé avec certains d’entre eux et les avis divergent un peu, mais dans l’ensemble, il manquait de petites choses pouvant corser le tout.
Pour illustrer cela sur le plan technique, vendredi, il y avait une option de six ou sept foulées dans une ligne. Une fois que les cavaliers avaient fait leur choix, la réalisation des six ou sept foulées était relativement confortable, alors que les distances doivent parfois complexifier les choses. C’est là toute la complexité du travail du chef de piste (en l’occurrence, l’Espagnol Santiago Varela, ndlr). Je ne dis pas que les parcours étaient trop faciles, bien entendu, mais la précision des couples est telle aujourd’hui que cela ne leur a pas posé de problème.”
“Ermitage Kalone est le cheval qui a le mieux sauté de la finale”
“Je suis évidemment déçu pour Steve (Guerdat, troisième au provisoire et fautif à une puis deux reprises en finale avec Albführen’s Iashin Sitte, ce qui l’a fait reculer au douzième rang, ndlr). Je pense qu’il lui a manqué un petit quelque chose dans la finale. Les trois premiers méritent amplement leur médaille. Richard Vogel et Gilles Thomas sont tous deux médaillés pour la première fois en individuel (l’Allemand en or avec United Touch S et le Belge en bronze sur Ermitage Kalone, ndlr). Scott Brash en avait déjà eu une (le bronze avec Hello Sanctos van het Gravenhof lors des Européens de Herning, en 2013, ndlr). Le podium a donc permis de voir de nouvelles têtes médaillées. Dans la continuité de ce que nous voyons pendant le ce championnat, nous avons assisté à un véritable renouveau et à l’arrivée de sang frais. Même en ce qui concerne Richard, nous avons l’impression de le connaître depuis une décennie mais il ne concourt à haut niveau que depuis trois ou quatre ans seulement. Il en va de même pour Gilles, qui est lui aussi jeune et fait partie de l’élite depuis deux ou trois ans. Bien sûr, c’est un peu différent pour Scott, qui est là depuis plus longtemps, et a déjà collectionné les médailles par équipes (l’Écossais est notamment double champion olympique par équipes, ndlr).
En ce qui concerne les chevaux, il y a là aussi de la nouveauté avec Ermitage, qui a onze ans et court son deuxième championnat seulement. La jument de Scott (Hello Folie de Nantuel, ndlr) a dix ans, comme le cheval de Thibeau Spits, Impress-K van’t Kattenheye Z. Ils sont au début de leur carrière à un tel niveau. Bien sûr, je suis ravi pour Gilles, je trouve même que son cheval est celui qui a le mieux sauté de la finale, ses deux parcours ont été parfaits et je n’ai pas l’impression qu’ils ont touché la moindre barre. Si l’on est honnête, Scott a eu pas mal de chance, je ne sais même pas comment il est sorti du triple aujourd’hui. Deux ou trois fois, il a été vraiment chanceux, notamment sur un oxer qui a bien tremblé. Toutes les étoiles étaient alignées pour lui et rien ne pouvait lui arriver. En regardant de plus près la dernière ligne d’United Touch, on se rend aussi compte qu’il a touché assez fortement la sortie du triple et le vertical blanc qui suivait. Bien sûr, il y a beaucoup de pression à ce moment, mais les choses ont fini par tourner en leur faveur. Thibeau Spits (finalement neuvième, ndlr) a aussi signé une finale magnifique, je lui tire mon chapeau. À son jeune âge, c’est vraiment impressionnant !”

Pour Scott Brash, “les planètes se sont alignées” selon le Belge.
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“Seamus Hughes Kennedy a été vraiment scotchant”
“Je remarque que souvent, il y a des étalons aux remises des prix de championnats. Sont-ils meilleurs ? En tout cas, il y en avait deux sur trois cette fois. Les trois chevaux du podium étaient assez différents cette fois. United Touch est bien sûr à part, il a une action complètement hors-normes. Il n’est pas si grand alors qu’il a l’air de l’être. Ermitage est lui un cheval de sport plus classique, tandis que Folie est une jument avec beaucoup d’énergie, du sang et une qualité très française. Cela montre bien aux éleveurs qu’il n’y a pas un prototype de cheval à élever, mais nous le savons bien sûr depuis longtemps.
Ben Maher est une nouvelle fois quatrième (c’est la quatrième fois que le champion olympique Britannique termine au pied au podium, ndlr), ce qui doit être dur à encaisser. Un championnat, c’est long, et ça se joue à des détails. Voyez plutôt ; outre ses victoires en finales de la Coupe du monde, Marcus Ehning n’a par exemple jamais eu de titre individuel en grand championnat extérieur (ce qui avait fait l’objet d’une analyse dans nos colonnes, ndlr). De son côté, Steve Guerdat a remporté trois finales de la Coupe du monde mais avec trois chevaux différents, et jamais avec son exceptionnel Nino (des Buissonnets, ndlr), l’un des meilleurs chevaux de sa carrière. Dans les championnats, tout doit s’aligner. En ce qui concerne United Touch S, il est passé deux fois à côté de la victoire dans le Grand Prix du CHIO d’Aix-la-Chapelle. Il n'est pas si vieux (l’étalon a treize ans, ndlr), donc il a encore des choses à conquérir, mais il est vrai que nous attendions depuis un moment que quelque chose se concrétise pour un étalon de sa trempe, car il représente le cheval de championnat typique. De plus, son cavalier est fort et sait faire preuve de sang-froid. En regardant la liste de départ, tellement de couples pouvaient être médaillables.
Seamus Hughes Kennedy (Irlandais de vingt-trois ans, finalement cinquième avec ESI Rocky, ndlr) a été vraiment scotchant. Personnellement, je ne le connaissais pas et je l’ai découvert au CSIO 5* de La Baule. Je m’étais dit que tout avait l’air facile avec son grand cheval, très assidu et maniable. Lui a l’air très froid mentalement. Je n’arrive pas encore à me faire une opinion quant à son équitation, car j’aimerais le voir avec d’autres chevaux. En cherchant, je me suis rendu compte qu’il avait été champion d’Europe Jeunes Cavaliers il y a deux ans, alors que son cheval n’avait que huit ans ! De manière générale, leurs résultats sont impressionnants, ils enchainent les sans-fautes.
En ce qui concerne Antoine Ermann (meilleur Français et seizième avec Floyd des Prés, ndlr), il a enchaîné quatre bons parcours parfaits, ce qui est plus qu’intéressant pour l’avenir. Je pense qu’il sera une bonne cartouche pour la France, d’autant qu’il a l’air très serein. En Belgique, nous avons la chance de pouvoir compter sur des jeunes depuis plusieurs années, et j’ai l’impression que la France prend cette direction et prépare sa relève. Place aux jeunes ! Il en va de même pour l’Allemagne, qui s’est renouvelée ces dernières années. Certes, les cavaliers sont moins jeunes mais Christian Kukuk n’est pas vieux et a été champion olympique l’été passé, Richard a moins de trente ans, sa compagne Sophie Hinners (sixième des Européens, ndlr) également… Je crois que l'Allemagne avait été un peu dans un creux pendant quelques années et a mis du temps à se renouveler, mais cela en valait la peine. En bref, je pense que le grand public a découvert pas mal de monde cette semaine.”