“L’équipe belge mérite cette médaille d’or”, Grégory Wathelet

S’il n’est pas engagé aux championnats d’Europe Longines de La Corogne ce week-end, le numéro trente-sept mondial Grégory Wathelet suit bien sûr avec attention ce qu’il se déroule en Galice. Cette semaine, le Belge nous offre son éclairage sur chaque étape de l’échéance continentale à travers des analyses. Il revient sur l’acte trois, la finale par équipes, qui a couronné ses compatriotes belges hier, et évoque les tendances pour la finale individuelle :



“Dans mon analyse d’hier (disponible ici, ndlr), je n’étais pas si loin de la vérité. Comme on le dit dès le début, il n’y a pas eu de grande surprise. Le scénario a été beau, c’est resté très serré jusqu’au bout et il y a eu un véritable coude-à-coude dès le départ avec des équipes enchainant les sans-fautes ou les parcours à quatre points. Je crois que le haut classement provisoire est resté inchangé après les deux premières rotations donc tout s’est joué dans des détails lors deux derniers passages. Les fautes ont été assez disséminées sur l’ensemble du parcours donc je trouve que nous avons eu droit à du beau sport et de jolis parcours. Aucune difficulté ne s’est avérée piégeuse pour les chevaux, même si le parcours semblait exigeant et à la hauteur d’un tel enjeu. Il y avait deux lignes de combinaisons, même si la deuxième ligne avec le double vertical-oxer n’a pas engendré tellement de fautes, je trouve. L’enchainement de la spa, suivie de six ou sept foulées, puis du triple, a engendré davantage de fautes. Cela nécessitait des chevaux agiles et bien sûr un peu de chance pour le franchir sans pénalité. Beaucoup de chevaux l’ont sauté sans faute, mais pas de la meilleure des manières, c’était en quelque sorte la difficulté du parcours. Pour le reste, je trouve que tout se sautait bien.”



“Si son cheval avait laissé traîner un postérieur, on en aurait parlé longtemps”

“Les Belges ont été très forts, ce qui ne me surprend pas. Évidemment, ils ont signé un résultat incroyable, c’est la deuxième fois seulement que la Belgique gagne un titre par équipe après Rotterdam (en 2019, Grégory Wathelet avait été acteur de ce sacre avec Nevados S, ndlr). Il ne faut pas l’oublier, ce titre est quelque chose d’assez rare et exceptionnel. Dans cette équipe, il y avait un bon compromis entre l’expérience de Katanga (van het Dingeshof, partenaire de Nicola Philippaerts, ndlr) et la jeunesse, tant des chevaux que des cavaliers. 

Concernant Pieter (Devos, avec Casual DV, ndlr), son parcours était meilleur que celui de la veille, mais sa jument s’est à nouveau montrée peut-être un peu délicate dans ce type d’événement. Elle avait déjà montré à Bâle, lors de la finale de la Coupe du monde, qu’elle pouvait être un peu sensible dans certaines situations. Heureusement, ça n’a pas eu de conséquence sur le résultat de l’équipe car les trois autres ont rectifié le tir. 

J’ai échangé avec Gilles Thomas au matin, il m’a envoyé un message, alors que je n’ai pas tellement d’avis à lui donner en règle générale. Il trouvait que son cheval n’avait pas assez bien sauté dans la première manche, je lui ai donc donné mon avis et quelques idées. Après leur victoire, il m’a envoyé un message pour me remercier. C’est vraiment agréable, car malgré son talent et celui de son cheval, on sent une envie d’être performant, et une soif d’apprendre encore. C’est ce qui fait la beauté et la force de cette équipe. Je lui ai envoyé un petit message par rapport à son saut sur le dernier (le Belge a franchi le vertical en levant le poing vers le ciel, ndlr), en lui disant que c’était un peu risqué. Il en a rigolé et m’a dit, « je ne sais pas ce qu’il m’a pris, ce n’est pourtant pas mon genre » (Rires). Ces moments sont assez rares et on ne réfléchit pas toujours. Heureusement, il n’y a pas eu de conséquences, car si son cheval avait laissé traîner un postérieur, on en aurait parlé longtemps. En tout cas, cette médaille est méritée. Pour moi, la Belgique était favorite avec l’Allemagne, ils ont confirmé ce que je pensais.”

Grégory Wathelet se dit impressionné par l’état de forme actuel de Katanga van het Dingeshof.

Grégory Wathelet se dit impressionné par l’état de forme actuel de Katanga van het Dingeshof.

© Benjamin Clark/FEI



“Chapeau, Scott !”

“Pour la Grande-Bretagne, Matthew Sampson est arrivé au bout de son parcours (éliminé la veille, il a conclu son tour avec quatorze points après un refus dans le triple de Medoc de Toxandria, ndlr). Il a essayé, s’est battu, et heureusement que c’était lui en selle. Après sa déconvenue de la veille, il était compliqué de prendre le départ d’une telle épreuve. Après sa faute à l’entrée du triple, le cheval s’est sûrement un rappelé la veille et s’est fait peur. Bon, il est rentré avec une hargne de vainqueur pour aller de l’autre côté, mais voilà, le mal était fait et il était déjà trop tard.

Si on analyse un peu les parcours de Donald Whitaker, sa jument sautait remarquablement bien. Dans la ligne avant sa faute, il a peut-être ajouté une foulée de trop, il leur a manqué un petit quelque chose. De nouveau, Scott a réussi un tour formidable. J’ai eu l’impression de revoir son dernier parcours aux Jeux olympiques de Paris, lors duquel chaque obstacle était monté, demandé. Il a réussi à transcender sa jument (Hello Folie de Nantuel, ndlr). Cela vaut la peine d’analyser chacune des foulées, qui est soigneusement montée. Il n’a pas demandé cent pourcent, mais cent cinquante pourcent. Peu de cavaliers qui savent le faire, mais Scott, oui. Chapeau à lui ! Bien sûr, sa jument est super, mais là, c’est un parcours de grande classe pour tirer la Grande-Bretagne vers le haut et décrocher l’argent.”

Le Belge salue la performance de Scott Brash et sa généreuse Hello Folie de Nantuel.

Le Belge salue la performance de Scott Brash et sa généreuse Hello Folie de Nantuel.

© Benjamin Clark/FEI



“Le championnat des Français a été intéressant”

“J’ai envie de dire que le championnat des Français a été intéressant. Les deux piliers Julien et Kevin (Épaillard et Staut, ndlr) ont encore été là. Pour Julien, il y a eu un petit couac que je n’ai pas trop compris (Donatello d’Auge est repassé au trot avant un vertical, ndlr). Est-ce qu’il a eu peur ? Je ne sais pas, mais ce sont des choses qui arrivent. Cela n’a pas eu de grandes conséquences pour l’équipe, qui était déjà un tout petit peu derrière. Sur le plan individuel, les scores sont tellement serrés que cela le fait reculer, même s’il reste quand même en embuscade (le Français est dix-neuvième avec 4,89 points, ndlr). On le sait toutefois, Julien ne joue pas pour une septième place, mais pour la victoire. Kevin a signé un super tour, un peu à la manière de Scott Brash. 

J’ai été un tout petit peu surpris par le score de Nina (Mallevaey, sortie de piste avec douze points sur Nikka vd Bisschop, ndlr). Bien sûr, il faut voir le positif et il s’agira d’une bonne expérience pour l’avenir. Elle semble avoir commis une erreur d’abord sur le n°2 dans le choix de distance, ce qui a perturbé un peu tout son parcours (un avis partagé par la principale intéressée, ndlr). Cela ne remet pas en doute son talent, car j’admire énormément dans ce qu’elle fait, la manière dont elle le fait, ainsi que sa personnalité. Mais voilà, les championnats, ne sont pas une compétition comme les autres et nous commettons des fautes que nous ne ferions jamais ailleurs. Bien sûr, le score est trop lourd, c’est loupé pour cette fois mais très bien pour l’avenir. Ces erreurs et ces déceptions permettent de devenir plus fort, plus dur, et meilleur, car sinon, tout est trop simple. C’est peut-être un mal pour un bien. Jeanne (Sadran, qui est sortie de piste avec quatre points sur Dexter de Kerglenn, ndlr) a signé un très beau tour avec une faute. Ce qu’il faut mettre en avant, c’est l’expérience engrangée.

De nouveau, cette équipe représente l’avenir. Cela me fait penser à ce que la Belgique a connu lorsque j’étais aux championnat du monde de Caen ou aux championnats d’Europe d’Aix-la-Chapelle. J’étais entouré de jeunes, moins expérimenté, qui étaient à l’époque Jos Verlooy, Nicola et Olivier Philippaerts. Bien sûr, ils ont connu des ratés plusieurs fois puis sont devenus meilleurs grâce à cela. 

Ce n’est pas une surprise de voir l’équipe de France au septième rang, ce n’est pas mauvais et ils étaient tout de même dans la finale aujourd’hui. Il y a une marge de progression avec les nouvelles têtes, j’aime bien cette dynamique. 

Évidemment, il y a aussi Antoine (Ermann, avec Floyd des Prés, ndlr), en individuel, qui a signé deux super sans-fautes. Il est parti de loin après la Chasse, mais a répondu présent ensuite, ce qui est très bien.” 

Pour Grégory Wathelet, Richard Vogel et United Touch S sont toujours favoris pour le titre.

Pour Grégory Wathelet, Richard Vogel et United Touch S sont toujours favoris pour le titre.

© HippoFoto



“Individuellement, les médailles devraient se jouer dans les dix premiers”

“Pour l’individuel, j’ai de grands espoirs en mon ami Steve (Guerdat, troisième avec Albführen’s Iashin Sitte, ndlr), qui répond évidemment présent. Pour Scott, deuxième au provisoire, je crains que sa série ne s’arrête lors de ces deux parcours de finale. Je peux me tromper, mais je pense que ça peut être un peu juste. Je pense que United Touch S peut rester en tête (avec l’Allemand Richard Vogel, ndlr), ce qui place automatiquement Steve en deuxième et Gilles Thomas en bronze. Voilà les trois que j’aurais envie de voir sur le podium.

Toutefois, en regardant la liste de départ et les écarts, c’est tellement serré que tout va bouger. Une faute fera plonger les cavaliers dans le classement, d’autant que deux parcours sérieux arrivent. Ermitage Kalone n’est pas à l’abri d’une faute. Il y a aussi Katanga, qui est impressionnante. Ces deux ou trois derniers mois, elle traverse la meilleure période de sa carrière. Individuellement, la compétition est encore très ouverte mais les médailles devraient se jouer dans les dix premiers. Le niveau augmente tellement d’année en année que la moindre pénalité coûte cher aujourd’hui. 

Mila et Nadja Peter Steiner sont toujours dans la course également et ont été impressionnantes jusqu’alors (elles sont pour l’heure sixièmes, ndlr). C’est d’ailleurs intéressant, car trois Suisses figurent dans les neuf premiers mais ils ont terminé cinquièmes collectivement (Janika Sprunger et Orelie concourant en individuel, ndlr).”



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