Les cavaliers gagnent une bataille contre l’élimination automatique en cas de trace de sang sur les flancs des chevaux
Les cavaliers de saut d’obstacles peuvent sortir satisfaits de la session du Forum des sports consacrée à la révision quadriennale du règlement international de leur discipline. Hier après-midi à Lausanne, tous les sujets n’ont pas été abordés, mais les échanges se sont avérés respectueux et constructifs. Les dirigeants de la Fédération équestre internationale semblent disposés à échelonner les sanctions en cas de trace de sang décelée sur les flancs des chevaux en sortie de piste. À compter de 2026, l’élimination automatique pourrait être remplacée par un système comprenant un avertissement, un carton jaune et un carton rouge synonyme de suspension en cas de récidive.
La quatrième session du Forum des sports de la Fédération équestre internationale (FEI) a donné l’occasion d’examiner et de discuter de quelques propositions à l’étude dans le cadre de la révision complète du règlement international de saut d’obstacles? Celle-ci fera l’objet d’un vote lors de la prochaine assemblée générale de l’organisation, en novembre à Hong Kong, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2026. Todd Hinde, directeur du service jumping de la FEI, a informé les délégués des fédérations nationales et des parties prenantes du sport que le département de saut d’obstacles avait engagé Lauren Page, d’un cabinet d’avocats londonien, pour l’assister dans le processus, comprenant notamment l’étude des propositions et des nombreuses réactions. “Nos règles ne sont pas si mauvaises, donc il n’y a pas lieu de les révolutionner. Il faut toutefois innover et clarifier ce qui doit l’être”, a introduit le juge allemand Stephan Ellenbruch, qui officie en CSI 5* presque tous les week-ends. “Même si certains le voudraient, on ne peut pas tout réguler par des lois. En vingt ans de terrain, j’ai vu bien des cas pour lesquels il n’y avait pas de texte directement applicable, et c’est inévitable”, argue celui qui préside depuis fin 2017 le comité technique de jumping, qu’il n’a plus quitté depuis fin 2012…
La séance de discussion a été animée par l’ancienne championne irlandaise Jessica Kürten, qui préside la commission des athlètes de la FEI. Elle a été rejointe sur scène par Todd Hinde, Stephan Ellenbruch, ainsi que des représentants clés de la communauté du saut d’obstacles: le Belge François Mathy Jr, président du Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles (IJRC), le Suédois Henrik Ankarcrona, chef d’équipe parmi les titrés au monde, le Vénézuélien Cesar Hirsch, président de la Confédération équestre panaméricaine (PAEC) mais aussi juge et commissaire au paddock de niveau 4, ainsi qu’Irene Verheul, organisatrice du CHI-W d’Amsterdam. Les principaux points de discussion ont porté sur les règles relatives aux traces de sang décelées sur les flancs des chevaux en sortie de piste, les temps de repos durant les concours, les épreuves Jeunes Chevaux et les exigences minimales d’admissibilité pour les épreuves de niveaux 3*, 4* et 5*.
L’élimination de Pedro Veniss et de l’équipe brésilienne aux JO de Paris ne passe pas
La plus longue discussion a concerné l’article 241.3, qui couvre toutes les raisons menant à une élimination, dont les situations où les officiels décèlent une trace de sang sur les flancs d’un cheval en sortie de piste. L’impact positif de cette règle, introduite pour garantir le bien-être des équidés et le fair-play des cavaliers, a été largement reconnu. Cependant,l’élimination de Pedro Veniss et de l’équipe brésilienne lors de la qualificative des Jeux olympiques de Paris 2024, en raison de la présence d’une microgoutte de sang sur un flanc de Nimrod de Muze*Império Egípcio, a mis en évidence le caractère trop radical de l’élimination automatique sans autre forme de procès. Avant même cette échéance, et plus encore depuis, cette question est devenue l’un des chevaux de bataille de l’IJRC, qui l’a rappelé en fin de semaine dernière dans un communiqué détaillé et circonstancié.
“Je comprends la situation des cavaliers, mais celle des officiels n’est pas simple non plus. On n’élimine jamais un cavalier par plaisir”, a déclaré Stephan Ellenbruch. “Par le passé, il nous est arrivé de disqualifier des cavaliers en raison de l’usage excessif des éperons et de la cravache (cette règle avait été appliquée trois fois aux JO de Rio 2016, à l’encontre du Belge Nicola Philippaerts, du Néerlandais Jur Vrieling et du Brésilien Stephan de Freitas Barcha, ndlr). Dans de tels cas, les cavaliers sont disqualifiés parce que l’on considère qu’ils attentent au bien-être de leur cheval. Dans le cas de traces de sang sans usage excessif des éperons, par exemple, il n’y a aucune atteinte au bien-être. C’est pourquoi nous sommes passés de la disqualification à l’élimination”, explique le juge allemand. “Depuis l’adoption de cette règle, le nombre de cas a drastiquement baissé chaque année. Dans 90% ou 95% des cas où cela arrive encore, c’est lié au type d’éperons utilisés. Je comprends que les cavaliers veuillent discuter des conséquences, mais la règle elle-même me semble indispensable.”
“Il y a la loi et la façon de l’appliquer”, a embrayé François Mathy Jr, qui s’est exprimé avec mesure et tact. “Personne ne veut voir des chevaux ressortir de piste en sang. Oui, cette règle joue son rôle, notamment dans le choix des éperons. Cependant, se faire éliminer et éliminer son équipe aux JO pour une goutte de sang, c’est énorme. De plus, cela laisse penser au public qu’il s’agit d’une atteinte au bien-être des chevaux, alors que ce n’est pas le cas. Généralement, ce sont des marques minimes qui ne font l’objet d’aucun soin vétérinaire. L’expression ‘sang sur les flancs’ fait peur au public, mais il n’y a rien de grave pour le cheval. En ce sens, cette règle ne protège pas le sport et sa perception. Selon nous, il faut proportionner la peine en fonction du cas, ajuster le protocole et tenir compte des microlésions, en infligeant des avertissements et cartons jaunes afin de rendre cette règle plus juste dans son application.”
“La règle est parfaite, mais on peut en adapter les conséquences”, Stephan Ellenbruch
“Les cavaliers connaissent la règle et les risques encourues”, a repris Henrik Ankarcrona. “Oui, les conséquences sont dures, et on peut débattre de la justice de la décision prise aux JO de Paris (à l’encontre de Pedro Veniss, ndlr). En revanche, si nous changeons la règle, il y aura une suspension en cas de récidive (ou de double récidive, sur une période probable de douze mois, ndlr), synonyme de carton rouge. En tant que chef d’équipe, vais-je prendre le risque de sélectionner un cavalier ayant déjà reçu un carton jaune? Cette question et d’autres méritent d’être posées, mais c’est un débat intéressant.” Et Todd Hinde de rajouter: “Selon moi, la règle est parfaite, mais on peut en adapter les conséquences.” Les cavaliers ont donc de vraies chances d’obtenir gain de cause, ce qui était loin d’être acquis il y a quelques mois encore. Si cela se concrétisait par une modification réglementaire, il s’agirait là d’une vraie victoire pour l’IJRC et son nouveau président.
Il faudra toutefois accompagner cette réforme d’une communication mûrement réfléchie. “Comment expliquer au public qu’une trace de sang restera automatiquement éliminatoire en dressage, alors qu’elle ne le sera plus en jumping?”, s’est interrogée une représentante de la Fédération néerlandaise. “L’acceptabilité sociale de nos pratiques doit nous guider. C’est ma préoccupation première. En matière de règlement, le mieux est souvent l’ennemi du bien, mais il y a peut-être un espace de discussion pour rééchelonner les sanctions”, a conclu Stephan Ellenbruch. “J’attire l’attention de la FEI sur l’importance de faire appliquer cette règle par des officiels expérimentés”, a objecté à raison la Saoudien Sami al-Duhami. “Peut-être faudrait-il prendre l’avis d’un vétérinaire FEI avant d’infliger un carton jaune.” Comme toujours, le niveau de formation et de horsemanship des juges et commissaires au paddock demeurent un enjeu primordial partout dans le monde.
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