À Bois-le-Duc, quatre ténors du jumping ont offert une splendide et nostalgique “finale à quatre”
Après le fantastique Trophée des légendes, qu’avait mis sur pied le Jumping international du CSIO 5* de La Baule pour sa soixante-deuxième édition, en 2023, c’est un autre grand concours chargé d’histoire qui a décidé de remettre au goût du jour l’historique épreuve tournante, ancien format de la finale individuelle des championnats du monde de saut d’obstacles. En effet, ce soir, au CSI 5* de Bois-le-Duc, Philipp Weishaupt, Henrik von Eckermann, Maikel van der Vleuten et Willem Greve se sont affrontés sur un parcours qu’ils ont disputé quatre fois, s’échangeant leurs montures tour à tour.
Ce soir, nous n’étions ni à Caen, ni à Lexington, ni à Aix-la-Chapelle, ni même encore à Jerez de la Frontera, villes hôtes des dernières “finales à quatre”, épreuve qui a clôturé les championnats du monde de saut d’obstacles de l'édition de La Baule, en 1970, jusqu’aux Jeux équestres mondiaux de Normandie en 2014. Ce soir, nous étions bien à Bois-le-Duc, chef-lieu de la province du Brabant-Septentrional, aux Pays-Bas, où se tiennent traditionnellement les Dutch Masters depuis 1966. Pour apporter du sang neuf à ce concours, qui fête sa cinquante-septième édition cette année, les organisateurs avaient décidé d’inaugurer une nouvelle manifestation sportive en remettant au goût du jour cette épreuve tournante à quatre duos – rappelons que le CSIO 5* de La Baule en avait fait de même en 2023 en organisant le très excitant Trophée des légendes, qui avait réuni Frédéric Cottier, Lars Nieberg, Markus Fuchs et évidemment Éric Navet, qui avait été accueilli tel Beyoncé par le stade François-André (et remporté l’épreuve).
Acceptant de relever le défi de cette ressuscitation sportive, le numéro un mondial et double champion du monde en titre Henrik von Eckermann, le vice-champion d’Europe en titre Philipp Weishaupt, le triple médaillé de bronze Maikel van der Vleuten et le champion des Pays-Bas en titre Willem Greve ont présenté leurs respectifs Calizi, Cupido, Lalique et Hadewyn van’t Ravennest – dont les propriétaires sont également à saluer car ils ont, eux aussi, accepté de jouer le jeu. Pour l’occasion, ces quatre ténors, tous médaillés individuels en championnat, ont également pu compter sur la fervente participation du maître néerlandais Jeroen Dubbeldam, qui en connaît un rayon sur le sujet puisqu’il fut sacré champion du monde à Caen en 2014 après avoir survolé la finale tournante avec Zenith SFN, Orient Express*HDC, Casall et Cortes, et de son coéquipier Harrie Smolders, grand vainqueur du dernier Grand Prix 5* Rolex de Genève. Si le plus intéressant était évidemment ce qu’il se passait en piste, saluons la performance des deux Néerlandais, qui ont été des ambianceurs et commentateurs de haut niveau – au point que le second pourrait tout à fait embrasser une carrière de journaliste s’il décidait de mettre ses bottes au placard.

Jeroen Dubbeldam et Harrie Smolders ont superbement occupé le rôle de commentateurs de cette soirée!
© Mélina Massias
Calizi, reine de la soirée

Willem Greve a déroulé une superbe prestation avec Calizi, monture habituelle de Henrik von Eckermann.
© Mélina Massias
“Trois minutes pour changer un cheval, c’est trop court, alors il faut s’adapter à lui et lui rendre la tâche facile. C’est vraiment une question de feeling”, introduit en début d’épreuve Jeroen Dubbeldam, vêtu comme souvent d’un costume chic mais décontracté, micro à la main. Ce court avant-propos, les nombreux spectateurs, qui avaient quasiment comblé toutes les tribunes, l’ont gardé à l’esprit tout au long de l’épreuve, notamment devant les parcours de Calizi. Alors que les montures de l’Allemand Philipp Weishaupt et des Néerlandais Maikel van der Vleuten et Willem Greve étaient relativement jeunes (dix ans pour les deux premières et neuf ans pour l’autre), la jument grise d’Henrik von Eckermann était la plus expérimentée, et donc la plus connue. Âgée de douze ans, la fille de Cellestial est en plus très charismatique et a toujours eu son style bien à elle. “Elle est très sensible. Si l’on met la moindre pression dans les jambes ou dans les mains, elle va de l’avant”, résume assez bien son cavalier. Ses parcours furent donc particulièrement intéressants à suivre.
Et la palme de la meilleure prestation avec elle (outre celle de son propre cavalier, avec lequel elle a déjà fini troisième de la Coupe du monde d’Oslo, en 2023, entre autres performances) est probablement à décerner à Willem Greve. Peut-être plus assis que son confrère suédois, connu pour son équitation très en équilibre et en avant, et attendant les sauts de sa partenaire, le Néerlandais a réalisé l’un des plus beaux passages de l’épreuve. Le parcours avait beau être relativement court (achevé aux alentours de 50’’ pour chacun des cavaliers), il faut préciser que le pilote a eu la chance de monter la jument allemande lors de la troisième rotation, donc celle-ci avait peut-être moins d'énergie pour des lançades et autres manifestations d'énergie. Mais ça n’est probablement pas la seule raison de ce succès, puisque Willem Greve s’est montré tout aussi adaptatif avec ses deux autres nouvelles montures du jour, au point de remporter l’épreuve. Une épreuve qu’il aura gagnée à l’issue d’un barrage (voir vidéo en bas d'article) - dont on peut d’ailleurs se demander s’il était indispensable au regard des efforts déjà fournis - mené avec son propre cheval. Ceci étant dit, les quatre équidés, accompagnés tout du long par leurs grooms respectifs, semblaient en pleine forme au terme de la soirée, et certains ont probablement déjà achevé leur week-end de compétition.
Henrik von Eckermann n’a rien perdu de ses jeunes années Beerbaum
De son côté, Henrik von Eckermann, troisième de l’épreuve derrière Philipp Weishaupt et devant Maikel van der Vleuten, a lui aussi dû s’adapter, et l’a fait avec brio. Il faut dire que le multimédaillé a été à bonne école chez son mentor Ludger Beerbaum, où il s’est formé avec une multitude de chevaux très différents. “Ça va, j’ai connu moment plus stressant que de voir le numéro un mondial monter sur mon cheval”, plaisante Philipp Weishaupt, devant les images de son ancien voisin d’écuries en selle sur Cupido 130. “D’ailleurs, Henrik, on va voir si tu n'as pas perdu toutes tes capacités; aujourd’hui, tu as davantage l’habitude des chevaux dans le sang (comme King Edward Ress ou Glamour Girl, ndlr), contrairement à l’époque où tu montais encore chez Ludger. Tu vas voir, Cupido est peu plus ‘ancienne mode’, comme ce dont tu avais l’habitude!” Et visiblement, le Suédois n’a rien perdu de ses expériences avec Montender, Giljandro van den Bosrand ou encore Coupe de Cœur, puisqu’il a signé un beau sans-faute pour le plus grand bonheur des spectateurs, heureux d’avoir vu s’affronter ces quatre champions dans une épreuve qui n’avait officiellement pas de dotation financière.
