La belle saga des Loges se poursuivra malheureusement sans Jean-Pierre Bendinelli

Jean-Pierre Bendinelli est décédé brusquement à l’âge de soixante-neuf ans. Établi à Torsac, en Charente, cet excellent éleveur, passionné de Selle Français et d’Anglo-Arabes, restera à jamais associé aux succès d’Opéra des Loges en saut d’obstacles, mais aussi de Fara des Loges, parmi d’autres, en concours complet.



Jean-Pierre Bendinelli a brutalement tiré sa révérence à l’âge de soixante-neuf ans. L’éleveur charentais, établi à Torsac, laisse derrière lui le souvenir d’un connaisseur. Ancien électricien, il s’était engagé dans l’élevage et le sport au début des années 2000. Il avait d’abord fait résonner son affixe des Loges en saut d’obstacles grâce à Opéra des Loges (ISO 169/13, SF, Fétiche du Pas), confié à Reynald Angot à l’âge de six ans. Le Normand l’avait valorisé jusqu’en Grand Prix 5*, participant notamment à ceux qui se tenaient jadis à Estoril et Treffen. Très offensif lors des barrages, le couple avait gagné les Grands Prix 3* de Crans-Montana et de Canteleu à deux reprises, et s’était aussi classé deuxième de ceux de La Boissière-École, Saint-Lô, Mâcon et Caen, ou encore troisième et quatrième de l’épreuve reine du CSI 4* de Bourg-en-Bresse. “Bourré de qualité, Opéra pouvait néanmoins se montrer réservé sur les rivières. C’était un partenaire particulièrement respectueux, montrant une incroyable qualité de saut”, selon Reynald.



Mort en 2020, Opéra des Loges était bien né, issu de la bonne Basia des Ores (SF, Double Espoir), qui avait vu le jour chez Christian Péau, à Talmont-Saint-Hilaire, et avait aussi engendré l’exceptionnel Gabelou des Ores (ISO 179/09, SF, Pamphile), sacré champion de France Pro Élite en 2008 avec Stephan Lafouge. Cette belle lignée vendéenne mixe avantageusement les sangs – autrefois très estimés autour de l’ancien Haras National de La Roche-sur-Yon – de Double Espoir ou Hurlevent croisés à des filles du délicat Pur-sang Popof, qui s’alliait bien avec l’étalon Invincible. “Jean-Pierre et Éliane Bendinelli dévoraient leurs chevaux des yeux, notamment Vilano des Loges (ISO 143, L’Arc de Triomphe, Old), issu de la même souche qu’Opéra et que Jean-Pierre a utilisé deux fois comme étalon sur ses propres juments, Vermeil des Loges (SF, Quartz de Chanu x Qyou de Longvaut) et Naïade de la Bellone (AA, Ryon d’Anzex x Amiral), qui l’ont comblé”, se souvient Reynald Angot. “Avec son épouse, il faisait le maximum pour nous suivre en concours malgré les kilomètres qui nous séparaient. C’étaient de vrais passionnés, qui se sont initiés à l’élevage avec clairvoyance et qui y consacraient toute leur énergie.”

Jean-Pierre Bendinelli avait la réputation d’être exigeant. Il ne machait pas ses mots et préférait les victoires aux beaux accessits. “Il s’était fait tout seul, et faisait tout seul dans son exploitation d’une vingtaine d’hectares au sud d’Angoulême”, ajoute Mylène Martin, de l’élevage des Biches, dans le Calvados, qui valorise encore le patrimoine génétique de Rebasia des Loges (SF, Quidam de Revel), sœur utérine d’Opéra et Gabelou, pleine du jeune Iggy Pop de Circée (OC, Quincy x Bamako de Muze). “C’est sans doute la dernière naissance à venir de Jean-Pierre et Éliane”, précise Mylène. 

Ici à Crans-Montana, Opéra des Loges a accumulé les performances avec Reynald Angot

Ici à Crans-Montana, Opéra des Loges a accumulé les performances avec Reynald Angot

© Scoopdyga



Quatrième du classement des éleveurs de chevaux de concours complet en 2024

En un peu plus de deux décennies, l’élevage des Loges s’est construit une belle image, accumulant les récompenses avec seulement trois naissances par an. Qualité plus que quantité. Jean-Pierre Bendinelli accordait de l’importance au sang, croisant ses reproductrices avec des étalons alors dans le vent comme Quidam de Revel, Kannan (KWPN), Upsilon (AA), Lauterbach (Old), Air Jordan (Old) ou encore L’Arc de Triomphe (Old). Il se concentrait sur la locomotion et le renfort du modèle, et privilégiait la force pour dégager une belle impression d’ensemble dans les concours d’élevage, qu’il fréquentait assidument. Il avait plus récemment développé un goût prononcé pour le concours complet, ne manquant jamais le Mondial du Lion-d’Angers, les Espoirs du Complet et la Grande Semaine de Pompadour.

La deuxième place de Fara des Loges (ICC 159/24, SF, Diarado et Vermeil des Loges par Quartz du Chanu) aux Espoirs du Complet en 2018, puis sa victoire en finale du Cycle libre 1re année en 2019 à Pompadour avec Margaux Crouail, furent des révélations, qui avaient quelque peu réorienté les projets du Charentais. Par sa quatrième mère, Urielle (Matador, AA), Fara des Loges est issue de la lignée de l’immense chef de Race Zeus (ex-Gordios, AA), qui fit souche dans l’élevage mondial. Durant l’hiver 2022-23, Fara, née en 2015, a effectué un aller-retour chez Gwendolen Fer, avant de retrouver Alexis Goury, qui l’avait déjà montée à six ans. Le complétiste du Maine-et-Loire connaît bien la production de Naïade de la Bellone, dont sont issus Valdess des Loges (ICC 141, AACr, Jaguar Mail), Aka des Loges (ISO 144/16, AA, Poor Boy, Rhein), Fiston des Loges (ICC 142/22, Upsilon, AA), valorisé jusqu’en CCI 3* et vendu au Tibet, ou encore Hatchi des Loges (ICC 144/24, Catchar Mail), qu’Alexis Goury a mené à la neuvième place du Mondial des sept ans au Lion-d’Angers en 2024 et avec lequel il a les Jeux olympiques de 2028 dans le viseur. Promoteur de l’affixe des Loges, le complétiste se remémore également Iota (ICC 123/24, Cornet Obolensky x Quartz de Chanu), et Junior des Loges (AA, Upsilon et Naïade), champion des Espoirs du Complet en 2022, “tous partis vers d’autres horizons”



Ici au CCIO 4*S organisé à Arville, Fara des Loges a récemment terminé huitième de la Pro Élite de Saumur avec Alexis Goury

Ici au CCIO 4*S organisé à Arville, Fara des Loges a récemment terminé huitième de la Pro Élite de Saumur avec Alexis Goury

© Sharon Vandeput / Hippo Foto

Parmi la production remarquée de Jean-Pierre Bendinelli, signalons aussi les réussites à trois ans de Guyane des Loges (SF, ICC 137/23), fille de Naïade et de l’étalon maison Vilano des Loges, qui avait gagné la qualificative des trois ans montés devant Gorane des Loges (ICC 136/21, SF, Upsilon et Rebasia). La saga des Loges se poursuit sous les meilleurs auspices. Le week-end dernier à Saumur, Alexis Goury et Hatchi des Loges se sont classés quatrièmes de la Pro 3 après avoir mené le dressage et le saut d’obstacles, tandis que Fara a terminé huitième de la Pro Élite. La réussite du Charentais Jean-Pierre Bendinelli n’est sans doute pas le fruit du hasard. Ce passionné et son épouse s’étaient beaucoup renseignés sur les croisements qui portent leurs fruits et avaient sélectionné de bonnes lignées maternelles. “C’est essentiel”, disait-il. Les performances significatives de tous leurs protégés récompensent maintenant leurs efforts.

Quatrième du classement des éleveurs de chevaux de complet en 2024, à paraître dans le Hors-série élevage du magazine GRANDPRIX, disponible dès demain en kiosques, Jean-Pierre Bendinelli pourrait faire figure de modèle de persévérance et de conviction pour tous ceux qui visent l’excellence. Peut-être connaîtra-t-il la gloire posthume si l’un de ses Loges se voit sélectionné aux JO de 2028. Voilà un projet ambitieux qui consacrerait le palmarès déjà bien garni de cet homme de cheval. Ses amis, nombreux, veulent y croire.

GRANDPRIX adresse ses plus sincères condoléances à la famille, aux proches et aux amis du défunt.



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