Aart Alberts, l’homme des Fontaines, s’en est allé
Aart Alberts est décédé le 11 février dernier à l’âge de quatre-vingt-six ans. L’information n’a été confirmée qu’hier par Jeroen Zwartjes, fidèle cavalier de l’éleveur néerlandais, passionné de Selle Français, dont l’affixe des Fontaines a brillé jusqu’aux Jeux olympiques.
On a appris bien tardivement hier, par l’intermédiaire du cavalier normand Jeroen Zwartjes, le décès d’Aart Alberts, survenu le 11 février à l’âge de quatre-vingt-six ans. Le Néerlandais aux moustaches broussailleuses, aux yeux plissés et au sourire en coin avait connu du succès dans l’élevage et le sport de haut niveau autour des années 2010. Il est à l’origine de quelques vedettes Selle Français qui ont parcouru la planète jumping. On pense notamment à Jumpy des Fontaines (ISO 169/05, Jus de Pomme x Ramiro), valorisé par Patrice Delaveau et le Néerlandais Harry Smolders, avant de participer aux Jeux olympiques de 2008 à Hong Kong avec le Chinois Li Zhenqiang; à Oscar des Fontaines (ISO 166/12, Lando x Mr. Blue), qui a concouru jusqu’à vingt ans sous selle slovaque après avoir évolué jusqu’en CSI 5* avec Pénélope Leprevost, gagnant le Grand Prix des Sires of The World à Lanaken; ou encore à Jus des Fontaines (ISO 158/08, Jus de Pomme x Galoubet A), vu jusqu’en CSI 5*-W avec le Suisse Steve Guerdat.
Avec Jeroen Zwartjes, son compatriote établi de longue date dans le pays d’Auge, Aart Alberts avait tissé une relation de confiance durable. D’ailleurs, le cavalier et entraîneur de soixante-deux ans fait encore rayonner l’affixe des Fontaines grâce à Zwiep des Fontaines (ISO 164/23, KWPN, Lupicor x Hautain Fontaines SFB), toujours gagnant à 1,30m et 1,35m à vingt ans. Un cheval dur, tonique et combatif tout comme l’était son éleveur, qui détestait les fioritures et les paillettes, se contentant d’une vie simple dans un cadre rustique, un chalet et non un domaine. Il disposait d’une modeste stabulation pour sa dizaine de naissances annuelles et de quelques boxes pour ses étalons, le tout planté sur une vingtaine d’hectares sis au bout de l’impasse des Fontaines du Bourg-Saint-Léonard, à cinq kilomètres du Haras du Pin. En 2014, Julie et Alban Notteau avaient acquis l’ensemble, le modernisant et l’embellissant considérablement. “C’était juste fonctionnel et sans aucun chichi”, concède Alban, qui a aussi acheté le stock de paillettes de Jus, de Jumpy, qui a notamment donné Starlette de la Roque (ISO 166/19, SF, mère par Kannan), très performante jusqu’à 1,50m avec Edward Levy, et d’Oscar, père d’une certaine Amande de B’Neville (ICC 169/21, SF, mère par Élan de la Cour), sacrée championne olympique en 2021 à Tokyo avec l’Allemande Julia Krajewski.
“Il avait ses idées, s’y tenait et suivait son propre chemin au-delà des modes”, Jeroen Zwartjes
Arrivé en 1992 de Kortenhoef, au centre des Pays-Bas, pour jeter les bases de son élevage ornais, Aart avait apporté dans ses bagages pas moins de dix-huit chevaux. “Je crois aux qualités nourricières de cette terre”, répétait-il. Au Haras du Pin, Jean-Paul Philippe et Eugène Luz avaient grandement facilité son intégration administrative, notamment pour ce qui concernait les formalités liées à ses juments KWPN. Bambola (Ramiro x Almé), mère de Jumpy, est sa jument de cœur autour de laquelle tout le projet s’était développé. Aart avait aussi acquis Égine de Baugy (SF, Galoubet A), issue de la même souche que Quidam de Revel et qui lui avait donné Jus des Fontaines. Ce mâle sérieux, grand et plein de force, il l’avait vendu à Jan Tops. “Il était bien dans le type des chevaux d’Aart”, se souvient Jeroen. “S’ils sont parfois tardifs et dégingandés”, reconnaît-il, “tous disposent de moyens hors norme, à l’instar d’Impala des Fontaines (ISO 143/02, SF, Libero H), vainqueur du Critérium des six ans au chrono lors des finales de Fontainebleau.”
Peu d’éleveurs ont cru en Jus de Pomme (BWP, Primo des Bruyères, SF x Garitchou, AA), sacré champion olympique en 1996 avec l’Allemand Ulrich Kirchhoff, “mais quand Aart aimait un courant de sang mâle comme celui de Lando (DWB), Lux Z (Holst), Ramiro (Holst), Mr Blue (KWPN) ou Almé, il l’utilisait sans réserve sur quasiment toutes ses juments. Il ne faisait pas les choses à moitié. Il avait ses idées, s’y tenait et suivait son propre chemin au-delà des modes. L’homme avait des convictions et de l’assurance, ce qui pouvait susciter quelques inimitiés…”, commente encore Jeroen. Cultiver la rareté, stimuler la demande et vendre cher était son credo.
L’été dernier, Aart Alberts était revenu impasse des Fontaines pour s’emplir d’un dernier souvenir de son ancienne terre d’adoption. “Puis il s’était éclipsé en direction de l’Espagne où il résidait”, témoigne Alban.
GRANDPRIX adresse ses sincères condoléances à la famille et aux proches du défunt, ainsi qu’à toutes les personnes qui le côtoyaient sur les terrains de concours.