L’achat d'un véhicule pour chevaux passé au crible

Finances, opportunité, localisation, capacité de traction, respect des normes environnementales, permis adapter… De nombreux paramètres collaborent à l’achat d’un moyen de transport pour chevaux, qu’il s’agisse d’un van, d’un véhicule léger (VL) ou d’un poids lourd (PL). Entre délai de livraison, marché du neuf versus celui de l’occasion, achat en salon ou encore proximité des concessionnaires, quels paramètres déterminent l’achat d’un moyen de transport et son accessibilité ?



Barbot, Carrosserie Ameline, Cavalcar, Chardron, Cheval Liberté, Fautras, MTM, Laissac, RVU, Theault, Sarterre ou encore Vans ACR… La France peut s’enorgueillir d’avancer de nombreuses marques de son cru, sans compter les entreprises étrangères également distribuées sur son territoire : Böckmann, Humbaur, Ifor Williams, Krismar, STX, etc. La présence de cette multitude de noms, pour la plupart familiers aux équitants, est-elle un bon indice de l’état de santé du secteur des véhicules et remorques pour chevaux ?

 “Aujourd’hui, le marché des vans neufs se stabilise, quand celui des vans d’occasion est plutôt à la baisse”, introduit Jérôme Verdier, représentant de la marque Fautras, dont la maison-mère est installée entre Bordeaux et Bergerac, en Nouvelle-Aquitaine.  “Il y a quatre ans, la pandémie de Covid-19 avait considérablement fait monter le coût des matières premières (acier, résine, plastique, etc.). En parallèle, la demande avait augmenté, car les propriétaires voulaient préserver leur liberté de déplacement et en profiter au maximum, et ce malgré des tarifs plus élevés. Les années 2021 et 2022 ont donc été très bonnes pour le marché des véhicules de transports pour chevaux. Désormais, les prix des matières premières sont, certes, stabilisés, mais ils sont toujours élevés. Dans la même veine, le boom d’achats post-Covid-19 s’essouffle. Cette addition amène à un résultat simple : c’est au constructeur de baisser ses marges ou de changer sa façon de produire s’il veut espérer toucher les budgets d’entrées de gamme.

Le constat est partagé par Benjamin Delègue, fondateur de l’entreprise RVU – pour remorques, vans, utilitaires – et concessionnaire des marques Krismar et Ifor Williams, à deux pas du Haras national de la Roche-sur-Yon, en Vendée : “Le prix des châssis ne cesse d’augmenter, ce qui met à mal le marché du neuf. Pour notre part, nous notons globalement une baisse des ventes de vans. A contrario, le marché des VL est en légère hausse, ce qui est probablement dû au fait que de nombreux propriétaires amateurs souhaitent concourir à un niveau semi-professionnel et donc privilégient le confort de conduite de ces véhicules complets.

Quid, à ce jour, de la différence entre le secteur du neuf et celui de l’occasion ? “La filière a accusé un retard dans les délais de fabrication entre 2021 et 2023. Les pénuries de matières premières, notamment dues aux répercussions de la guerre en Ukraine, ajoutées à l’accroissement des commandes, ont fait bouchonner le secteur du neuf. Résultat : les délais de fabrication flirtaient autour de huit mois, contre deux habituellement”, reprend en analyse Jérôme Verdier. “Désormais, c’est réglé. Il y a moins d’écart entre les prix du neuf et de l’occasion, ce qui réoriente les acheteurs vers ce premier. De plus, le stress de la recherche de l’occasion, en outre chronophage, appuie un peu plus sur la balance en faveur de l’achat neuf.

La relation de confiance avec son concessionnaire appuie, pour beaucoup, sur l’achat d’un véhicule ou d’une remorque. Temps d’écoute, temps pour l’essai, démonstration : les arguments d’accompagnement font mouche !

La relation de confiance avec son concessionnaire appuie, pour beaucoup, sur l’achat d’un véhicule ou d’une remorque. Temps d’écoute, temps pour l’essai, démonstration : les arguments d’accompagnement font mouche !

© RVU



L’accessibilité financière : un écart qui se creuse

Les ventes en salon sont vivement appréciées par les acheteurs, qui peuvent consulter plusieurs marques et modèles en un temps record et découvrir leurs nouveautés.

Les ventes en salon sont vivement appréciées par les acheteurs, qui peuvent consulter plusieurs marques et modèles en un temps record et découvrir leurs nouveautés.

© Fautras

Bon marché, hors de prix, ou raisonnable ? Le budget requis pour un véhicule ou une remorque est l’un des premiers critères examinés lors d’un achat. “ Le plus dur a été d’accepter de franchir le cap d’un tel budget. De prime abord, on se demande pourquoi payer aussi cher pour une “boîte” sur roues ?”, s’interroge Nicolas, un des lecteurs sondés pour l’occasion. “Avec l’expérience et face à la réalité du marché, il faut se rendre à l’évidence : cela les vaut. Un bon moyen de transport, parfaitement adapté, modifie radicalement le confort pour l’animal et la tranquillité d’esprit de son propriétaire.” Il n’est pas rare, en effet, que les primo-accédants se tournent dans un premier temps vers les modèles d’entrées de gamme, soit par manque de moyens, soit par désir de budgéter sur un autre produit (selle, vêtement, etc.). Étant donné que les décotes sont faibles, la revente est aisée en cas de changement d’avis ou de besoin, ce qui apporte une certaine sécurité financière.

Comme tout marché classique, celui des transports pour chevaux se scinde donc bien en trois catégories de prix : entrée de gamme, moyenne gamme et haut de gamme. “Lors du récent salon du CHI Longines d’Equita Lyon (l’un des plus grands salons équestres européens qui se tient à Lyon de fin octobre à début novembre, ndlr), nous avons enregistré l’une de nos meilleures années de commandes de ces trois dernières éditions”, poursuit le représentant de Fautras. “Un tiers de nos ventes concernait des vans d’entrée de gamme, un autre tiers de vans importants et bien plus onéreux et, enfin, le tiers restant a plutôt été concentré sur les vans dits classiques, entre deux places et une place et demie. Cela semble équilibré, mais nous notons tout de même que l’engouement pour les entrées de gamme est remonté à la hausse.

Laurent Wattebled, à la tête d’une entreprise installée à Frévent, dans les Hauts-de-France, concessionnaire historique des vans et remorques routières Ifor Williams pour cette région et la Champagne-Ardenne, analyse également la situation financière du marché : “Environ la moitié de nos ventes portent sur des modèles haut de gamme Ifor Williams. En ce moment, la moyenne gamme est un marché un peu à l’arrêt. A contrario, nos téléphones sonnent quotidiennement pour des demandes de vans d’occasion aux prix de sept mille à huit mille euros, soit cinq mille de moins que nos premiers prix Ifor Williams. Il fallait faire quelque chose.” En réponse, le constructeur britannique a mis un an à élaborer une remorque correspondant à ces critères et a lancé officiellement pendant Equita Lyon le HB Eco, proposé sous la barre des neuf mille euros, neuf et de série. “Pour arriver à ce prix, il a fallu que les marges du concepteur et du distributeur se réduisent. Il n’est, bien sûr, pas question de toucher à la sécurité offerte par le van (Laurent Wattebled a, par ailleurs, fait partie intégrante de l’équipe Ifor Williams pour le développement de ce modèle, ndlr). Nous avons déjà quelques précommandes à ce jour, et il ne fait nul doute que cette offre était attendue, notamment par les primo-accédants.

Tous les constructeurs ont ou vont proposer ces nouveaux modèles d’entrée de gamme pour suivre, eux aussi, la tendance du marché : un van plus simple et avec moins d’options (même si le HB Eco garde un pont arrière qui se transforme en porte, ndlr). Les professionnels vont probablement rester, quant à eux, sur les modèles moyens et haut de gamme”, apporte en appui Benjamin Delegue, de RVU, également concessionnaire de la marque Ifor Williams.



L’accessibilité technique, quand les normes environnementales changent la donne

L’unité des concepteurs de transports pour chevaux se retrouve également dans le syndicat de la remorque, le Trailer Industry Verband (TIV), peu connu du grand public. Basé à Berlin, en Allemagne, le syndicat représente les intérêts de l’industrie des remorques et de ses fournisseurs auprès des représentants allemands et européens du monde politique, de leurs autorités et de leurs institutions. L’objectif est d’affirmer la participation du syndicat aux importantes modifications statutaires prévues pour la filière. Le site internet du TIV regroupe les connaissances concernant tous les aspects techniques des remorques, jusqu’à un poids total autorisé de 3 500 kg.  “Nous sommes tous concernés par les nouvelles normes, en cours ou déjà actives. Dans ce cas-là, la concurrence s’efface”, souligne Raphaël Ruffinoni, responsable du développement commercial des vans Cheval Liberté, marque leader en Europe dans le secteur du van tracté, dont le siège social est basé à Lignéville, dans les Vosges. “La France est en retard sur les taxes concernant la pollution (l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre étant la première cause du dérèglement climatique, ndlr) par rapport à ses voisins européens. Chez eux, (notamment en Allemagne, ndlr), les poids lourds et les véhicules légers (VL) sont déjà taxés par un malus. Les remorques gardent donc la cote, mais elles doivent également rester légères pour ne pas demander une trop grande puissance de traction. On connaît ce phénomène depuis longtemps à l’étranger, surtout en Suède et au Danemark, où les voitures sont peu polluantes.” Comme le rappelle Raphaël Ruffinoni, le marché du VL a été fleurissant il y a encore peu mais, les tarifs augmentant, les vans ont reconquis des parts. “Les motorisations ont été revues à la baisse pour éviter le malus imposé par les normes antipollution. Les véhicules hybrides ont fait beaucoup d’efforts de ce côté. Il y a six ou sept ans, on ne pouvait quasiment rien tracter avec ces derniers. Désormais, ils sont plus puissants, à marque et modèle égaux. Évidemment, cela n’a pas la puissance d’un 4 x 4 thermique, mais ces véhicules hybrides commencent à pouvoir tracter au moins leur propre poids.

Si les concepteurs des véhicules tracteurs font des efforts de puissance, les concepteurs de remorques doivent, de leur côté, produire des vans légers et surtout faciles à déplacer derrière une voiture de faible à moyenne capacité de traction. “Deux tiers de notre production part sur le marché européen (réparti entre un tiers en Allemagne, un tiers en France et le dernier vers les pays scandinaves, ndlr), donc il est naturel de devoir produire un van qui convienne à tout le monde”, reprend le responsable commercial de Cheval Liberté. “ Notre méthode de production nous fait gagner davantage en charge utile et, de fait, nous sommes souvent plus légers que la concurrence. Nous parlons bien ici de poids réel, à vide, mais avec les équipements inclus. Auparavant, le secteur entier avait tendance à jouer sur cette faille et parlait de poids totalement à vide… Avec les contrôles routiers désormais accrus, ce n’est plus du tout le cas. C’est bien le poids réel qui est avancé ! Les balances pour véhicules complets sont très rares, mais il est possible d’investir dans des systèmes de palette pour peser roue par roue. Les propriétaires français sont malheureusement souvent ceux qui connaissent le moins bien le poids de leurs propres chevaux, ce qui complique le calcul de la charge utile. La France est également le dernier pays européen à ne pas avoir de contrôle technique pour ses remorques. Bref, l’étau se resserre et la filière des remorques est actuellement aux aguets”, achève Raphaël Ruffinoni.

Depuis le 7 juillet dernier, le règlement de sécurité générale II (General Safety Regulation 2, dit GSR II) impose de nouvelles exigences de sécurité pour les véhicules vendus en Europe. Ce règlement, destiné à améliorer la sécurité routière, inclut l’intégration de nombreux systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS), dont la très appréciée caméra de recul. Ces modifications obligatoires alourdissent les véhicules et, par extension, leurs tarifs. Il est à noter que le sénateur Jean-Pierre Vogel, président du Groupe Cheval à la chambre haute du Parlement français, a milité pour que les véhicules de transports de chevaux puissent bénéficier d’une déduction de TVA, au motif d’être des outils de travail pour les professionnels du secteur.

La tendance est de proposer des vans neufs au prix de l’occasion.

La tendance est de proposer des vans neufs au prix de l’occasion.

© Laurent Wattebled / Ifor Williams



Achat en concession, en salon, ou encore réparation : quid de l’accessibilité géographique ?

À quel point est-il facile d’atteindre une ressource ou un service ? Pour Malaurie, une lectrice interrogée pour l’occasion, avoir une concession proche du lieu de stockage de son véhicule était un réel critère pour son achat : “Avec pas ou peu de disponibilités de location dans ma région, l’achat était indispensable. De plus, étant donné que je ne me sens pas spécialement à l’aise dans ce secteur, je cherchais un réel accompagnement, tant pour l’achat que le post-achat, pour les diverses réparations. Bref, la proximité avec le vendeur était une priorité.” Dans l’absolu, les grands groupes concepteurs vont tirer leur épingle du jeu sur ce critère. Notons, par exemple, la cinquantaine de revendeurs présents en Hexagone pour la marque Cheval Liberté, la petite trentaine pour la marque Böckmann, la vingtaine pour Fautras et Ifor Williams, etc. “J’ai dû écarter certaines marques qui me plaisaient lors de ma recherche, car je trouvais que les pièces estampillées en leur nom étaient rares, et donc chères”, poursuit Malaurie. “J’ai tendance à embarquer des chevaux qui détruisent facilement leurs moyens de transport et je n’ai pas l’âme d’une mécanicienne : avoir un réparateur à portée de voiture sans faire un long trajet était un critère d’achat également très important, quitte à acheter un van moins solide mais plus facilement réparable.” “On trouve aisément un concessionnaire Ifor Williams à deux heures de route de chez soi”, confirme Benjamin Delègue. “Au niveau des réparations de vans et VL, aucun problème, nous sommes capables de tout refaire ! A contrario, il y a peu d’ateliers de réparation de poids lourds en France et, pourtant, la demande pour cette dernière catégorie de véhicules est croissante. Nous avons un petit atelier dédié à ce genre de camions (RVU est également concessionnaire de la marque Krismar, ndlr) et nous sommes actuellement en train de le développer pour répondre à cette augmentation.

Lyon, Angers, Lille ou encore Paris : les salons du cheval rassemblent facilement acheteurs et vendeurs à chaque fin d’année. Les ventes en salon sont vivement appréciées par les acheteurs, qui peuvent consulter plusieurs marques et modèles en un temps record. “Pouvoir comparer aussi facilement est un atout considérable”, analyse Julie, une autre lectrice interrogée. “Les commerciaux sur place sont disponibles pour toute question sur leurs modèles en commande ou d’exposition. J’ai d’ailleurs une préférence pour ces derniers, qui bénéficient souvent d’une remise alors qu’ils sont en excellent état. Les acheteurs savent que les bonnes affaires se concluent souvent en début de salon et qu’il est possible d’entamer de belles négociations. Les vendeurs doivent également y trouver leur compte, car l’atmosphère conviviale et souvent festive d’un salon ne doit pas être indifférente à l’incitation à l’achat ! Je pense que nous sommes nombreux à attendre la venue d’un salon pour acheter.” “Visiter un salon m’a permis de réviser mes a priori sur certaines marques et modèles de vans. Pouvoir les étudier sous toutes les coutures a été salutaire, d’autant que je n’aurais certainement pas fait l’effort d’aller vers les concessions spécialisées de ces dernières”, appuie Louise, une autre lectrice. Si les acheteurs semblent unanimes quant à l’intérêt des salons équestres, la vente plus classique serait-elle alors en reste ?

Non, pas du tout, car je n’aime pas l’agitation des salons et préfère le calme d’une concession, surtout lorsqu’il est question d’achat d’occasion”, nuance Émilie, une autre lectrice interrogée. “En plus, un commercial que l’on voit régulièrement nous connaît bien (types de chevaux transportés, routes empruntées, style de conduite, type de traction, etc.), ce qui est rassurant sur la bonne adéquation entre le véhicule et nous. C’est aussi en concession que l’on peut facilement tester la conduite d’un véhicule ou d’un van.” Enfin, quid de ceux qui ne peuvent pas se déplacer dans un premier temps ?  “Plusieurs marques avancent désormais des vidéos explicatives sur leur site, ce qui est parfait à mon sens pour comprendre toutes les options possibles et, surtout, ce qu’elles apportent réellement. Je n’ai donc pas spécialement ressenti le besoin d’avoir un concessionnaire très proche de chez moi”, mesure Nicolas, questionné ultérieurement. “Il existe des courtiers automobiles qui prospectent un achat à notre place pour X raisons. Je ne me suis jamais posé la question de son importance ou de sa nécessité pour le secteur des transports pour chevaux. Qu’en est-il ? ”, s’interroge en conclusion Léa, une lectrice sondée. “Le courtier automobile est un métier présent dans la filière, car il existe une centaine de modèles de voitures ; le choix est moindre du côté du transport équin. De plus, les prix sont déjà hauts à ce jour, et la commission d’un courtier sur l’achat ne ferait qu’augmenter le budget. Ceci dit, pourquoi ne pas le développer pour les modèles haut de gamme ?”, achève Benjamin Delegue, de RVU.

En raison de l’évolution du marché des véhicules, notamment l’apparition de ceux électriques, hybrides ou moins polluants, les constructeurs s’attèlent à baisser le poids des vans.

En raison de l’évolution du marché des véhicules, notamment l’apparition de ceux électriques, hybrides ou moins polluants, les constructeurs s’attèlent à baisser le poids des vans.

© Cheval Liberté